Les Troubadours des Plaines
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 L'Ile de la Moule - 2/2

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AuteurMessage
Aklatan
Capitaine des Plaines
Aklatan


Messages : 483
Date d'inscription : 04/07/2008
Age : 111
Localisation : Collines de Sous-Voûte-Chêne, la maison à côté de la cascade, où un gnome taille parfois des pierres.

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MessageSujet: L'Ile de la Moule - 2/2   L'Ile de la Moule - 2/2 Icon_minitimeLun 1 Aoû - 20:48

Ainsi Aklatan se trouva en cet instant plus dépourvu qu’il ne l’était. Du moins c’est ce qu’il cru, se découvrant égaré sur le territoire d’un géant que surprendraient de vilaines sautes d’humeur, et d’un adepte de chirurgie et de chasse, lui-même pisté par le colosse. Un lambeau de toile poussiéreux sous le bras, il songea que la meilleure chose à faire pour profiter des vacances d’un Troubadour était de s’offrir un moment de répit, où il pourrait réfléchir paisiblement à sa position en tête de la chaîne alimentaire micro-démographique de l’Ile de la Moule.
Ayant suspendu aux branches les cordelettes nouées à la toile, il se lova dans les plis du vieux tissu, et demeura quelque peu abasourdi par le mouvement de balancier qui le saisit instantanément : cet objet possédait-il un don miraculeux ? S’il en avait un, il n’était autre que de dégager des vapeurs de la pire pestilence, ce qui avait pour impact immédiat de provoquer un tournis nauséeux. Emporté dans un délire fiévreux, le tangage qui agitait sa tête le fit tomber à terre… où il demeura gisant on ne sait combien de temps ; les neurones sont un récif plus tortueux encore à laver que la plage où glisse et reflue l’écume.

Le sort – comme on aime à l’appeler – voulût qu’il soit réveillé par le museau d’un spéridien de passage, qui reniflait sans vergogne les recoins de son postérieur, lamentablement exposé dessus ses jambes à demi recourbées. Le Troubadour frémit, et se dressa dans un sursaut, en s’adressant à l’animal, dans un élan de révolte :
« Non mais… Qu’est-ce qui te prend ?
- Je t’ai senti. Tu es puant. » répondit la bête, cambrée sur ses grosses mains. Et sur ses grosses pattes griffues. A vrai dire, il faut préciser que le spéridien fait partie de ces bêtes loufoques, qui ne se montrent jamais telles qu’on le prévoit, ni même telles qu’elles prétendent l’être. Car il dispose de deux mains antérieures épaisses, ainsi que deux pattes antérieures aux doigts très longs et férocement griffus. Il cache deux bras supplémentaire au creux de son dos, dont il peut se servir pour se gratter la tête, masser sa bedaine ronde, ou récurer ses dents. Sa crinière touffue tombe en rideaux de lianes autour de sa tête, et ce jusqu’à sa barbe aiguisée, qui a l’avantage de lui prêter une apparence des plus imposantes, notamment lorsqu’il se tient debout. Mais rien ne pouvait sembler moins offensif que cette espèce-là, léchant son menton du bout de sa langue arrondie, posant son regard morne sur le pauvre Troubadour. Ce dernier, légèrement hébété, balbutia après un court instant, feignant de recouvrer ses esprits :
« Mais… C’est que vous avez du nez !
- Vous me flattez.
- Ha !
- C’est tout ?
- Mais…
- Ah ! Non ! C’est un peu court, jeune homme ! Tu pouvais dire aussi bien d’autres choses comme :
« Si vous avez le nez dont vous vantez le don, flairez à votre gré, j’ai le cul plus profond ! »
Aklatan interloqué voulut répliquer en aussi bonne forme, et hésita parmi plusieurs registres qui pourraient chacun plus ou moins rentabiliser son temps de parole, comme en scientifique curieux :
« Eurêka, vous l’avez ! J’ai justement l’intention de mesurer le vôtre de mon pied ! », ou sur le ton d’une coquette courtoisie : « Si vous saviez comme ma botte brûle d’embrasser le vôtre… », ou bien définitivement grossier : « Parlons-en, mon pied aimerait bien jeter un œil au vôtre, de fondement ! », mais la répartie demeurant un exercice long et rigoureux pour l’inexpérimenté en mal de verve, le Troubadour du rester pantelant trop tardivement au goût de son interlocuteur à quatre pattes, qui avait déjà détourné son attention vers la toile moisie, tendue entre deux troncs.
« Mais qu’est-ce qu’un clampin dans ton genre peut bien faire de s’étendre dans un chiffon si méphitique ? » lança le spéridien en tripotant le hamac du bout de ses grandes mains. Aklatan se précipita pour dénouer les cordes de la toile, résolu à s’éloigner du mieux qu’il pourrait de cette créature envahissante, en marmonnant :
« Ce n’est qu’une toile ! Ne vas pas y laisser tes poils !
- Ca, une toile ? Mais c’est une voile.
- Tu as raison, tu vois : j’emporte ma toile, et je mets les voiles !
- Combien tu t’emballes, la tête dans les étoiles… Tu ne verras pas pareille étoffe et cordage ailleurs qu’aux mâts des embarcations ! » Cet animal était un puits de science.
-« Mais… Comment donc…
- C’est simple, tu l’étends entre deux mâts, et tu peux profiter de la brise en tout tranquillité, il suffit de laisser tanguer ! C’est mettre à profit ce qui est vraisemblablement une voile de bateau !
Combien d’étoiles s’emballèrent dans l’esprit d’Aklatan en cet instant, nul ne saurait les compter, mais ce qui est sûr est que l’une d’elle esquissait plus de justesse que toutes les chimères sans queue ni tête qui battait niaisement des ailes devant ses yeux hagards. Evidemment, avant qu’il ne reprenne possession de ses sens, que le lent cheminement vers l’empreinte de la pertinence semblait désorienter facilement, l’aimable spéridien s’était retiré, le laissant à sa solitude – compagne de longue date – et ses idées… de vagabond aux chausses trouées.

Ainsi toute la nuit, il assembla des planches de bois sur le rivage pour construire un petit bateau ; et sous la lune qui couvrait l’océan, il s’amusait à se remémorer de vieilles légendes, à propos d’un terrible géant qui hanterait l’Ile de la Moule, et ferait trembler la jungle de ses affreux cris de colères au cœur de la nuit… Mais ce dont il riait, seul au bord de l’eau, n’était pas de se demander s’il avait réellement entendu de telles rumeurs le jour-même ou il y a de cela des années, ou si la légende était vraie ou non : car en fait il cognait avec tant de fougue et tant de bruit de son maillet de fortune qu’il ne pouvait entendre quelque autre son. Mais assez ri : le plus drôle à son goût était qu’il n’avait même pas de clous.
Puis vint le vent solaire, où le jour éclatant de l’Ile de la Moule hissait ses couleurs ; il n’en fallait pas moins pour Aklatan qu’il ne jette fièrement son minable petit radeau branlant dans les flots, prêt à s’élancer vers l’horizon, et sauver d’un égarement auquel il ne comprenait toujours rien.
Après s’être hâté en panique de rejoindre l’embarcation, qu’il se plaisait de contempler s’éloigner sur les vagues, en oubliant d’y grimper, il réalisa qu’il en avait omis le principal élément.
Ainsi, après un pénible retour à la terre en tirant le radeau sur les vagues, Aklatan retourna quérir son lambeau de toile, et le harnacha vigoureusement au mât.
Une fois que le vaisseau superbe fût lancé sur le dos des flots, Le Troubadour se cambra tel un conquérant battant en retraite, faisant face à la terre qu’il quittait, lui adressant un ultime salut :
« Adieu, fourbi sauvage, et ta face de moule ! Je m’en vais mouiller ailleurs ! »
Mais il s’avéra qu’il n’était pas seul à revendiquer un message d’adieu, puisque sa voile amplement gonflée par les vents laissa paraître quelques déchirures architecturales en son milieu, qui formaient de grandes lettres, découpées dans le tissu : on y pouvait lire, se détachant sur le bleu de l’océan, au travers de la voile :

YOHO GROS GEANT
J’AI TON KILT !

Et quand bien même encore, il y aurait aventure à rapporter pour connaître ce qu’il advint de ce gueux, qui s’éperdait à nouveau sur les eaux, avant de se retrouver éternellement dans l’ailleurs d’on ne sait où, cela prendrait d’un temps toujours trop précieux, car il reste encore bien des histoires insignifiantes à relater, si légères, mais tant singulières…
Peut-être celle-ci se déroule-t-elle fort longtemps plus tard, puisqu’il manque un habitant sur l’ile, à ce jour, et on n’y trouva d’ailleurs plus qu’un journal, qui contenait quelques notes d’inventaire et de comptes financiers, mais surtout des histoires, des histoires de géants, de chasse sauvage, et de jambes en or. Afin d’abréger cet impertinent récit sans davantage tergiverser, nous pouvons nous autoriser à en lire l’ultime paragraphe, la toute dernière note. Il faudra se contenter de ce qu’elle peut offrir d’intriguant, ou bien chacun n’aura plus qu’à s’en aller compter les grains de sable sans rien attendre d’intéressant.

Cette île s’était-elle auparavant fait appeler Ile de la Foule, comme j’ai cru l’entendre, il y a longtemps déjà ? Probablement, mais c’était un mensonge, personne n’y a cru.
Alors elle aurait été connue ensuite sous le nom d’Ile de la Houle. Et ça, pour un mensonge, c’en était un, je suis le seul à le savoir ! Sinon, voilà longtemps que je serais parti.
Je me rappelle lui avoir donné un jour le nom d’Ile de la Moule. C’était sûrement un odieux mensonge aussi. Jusqu’à ce que je découvre que ça pouvait être ça. Car j’ai compris qu’il y avait des gens qui végétaient. Nous sommes un végétal, un arbuste, un buisson ! Mais c’est chose formidable que celle-là, car à force de creuser, on trouve un délicieux sirop. Comme ces petites choses qui grandissent sur un rocher, et finissent par le dévorer. Alors j’ai pensé au géant. Et c’est chose sûre que lui, cela fait longtemps qu’il n’est plus ni une pierre, ni même un arbre.
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