Cueillette au lavoir

Amis, prenez garde ! A tous, attention
Qu’en chastes apôtres, ni les discours
Et ni la rengaine aux charmants couplets
N’aille troubler votre paix de toujours,
Même votre peine sous les effets
Des fables qui fardent méditation
Sous l'aimable attrait des grivoiseries !

Ces jolis airs où la bourgeoise rit
Cachent des vers sous la badine histoire
Comme les versets d’un réquisitoire !

Aussi, prenez garde ! Amis, attention
Qu’aucun ne s’attarde en contemplation
Qui creuse toute heure et suspend le fil
De notre labeur et le rend stérile !

Vous voilà toute ouïe, me voici lavé
De tous les ennuis de ma probité.
Mais de fil en corde, on en vient au fait
De linge mouillé (sortez vos mouchoirs),
De chausses trempées (à pisser d’en seoir !),
Mais je vous l’accorde, il plaît en effet
D’encore annoncer : « Cueillette au lavoir »,
Si vous le voulez, vous allez l’avoir !

Contemplez un jour un lieu d’essorage comme un orage pris à rebours :
Sont-ce des nuages faisant leur cours de vapeur moins lourd quand il s’en dégage ?
Ou de frais fleurons jadis fleurs de lys ? Rien que corde lisse et cent caleçons !
Et quelque tricot où chaque chaussette
Arrange en cueillette triviaux travaux :
Quand la tige penche, à la chasse aux pommes,
Le met se ramasse et point ne dessèche ;
La corde est, en somme, ce qu’est la branche :
Ici, rien n’empêche que ne se froissent
Les sous-vêtements semés au ciel
Encore égouttant un mousseux fiel
Jusques à la saison de sécheresse
Qu’ils soient cueillis des mains de leur maîtresse !

Finalement, si grimèrent ces vers
Sous quelque chanson en des héritiers
Secs, mous, rabougris, confits de travers
La suave cerise en âpre chemise, le bel abricot en épais tricot, la tendre noisette en grasse chaussette… la bonne compote en mille culottes !
Ces lessive obtue et linge pendant
Auront fait tôt du lavoir un pendant
Des jeux de saison, de l’arbre fruitier !