Aklatan Capitaine des Plaines
Messages : 483 Date d'inscription : 04/07/2008 Age : 111 Localisation : Collines de Sous-Voûte-Chêne, la maison à côté de la cascade, où un gnome taille parfois des pierres.
| Sujet: Traité sur la défense des araignées de maison, et autres visiteurs microcosmiques Mer 10 Aoû - 16:35 | |
| Nous sommes souvent visités L’an du prime jour au dernier D’humbles passeurs finauds, zélés, Des rampants aux bêtes ailées, Qui en solitaire, ou d’escorte S’immiscent au pas des maisons Au fil des pérégrinations, Par la fenêtre, par la porte, Ou bien par les angles des murs Là où la pierre se fissure, Où les briques mal enchâssées Laissent deviner une entrée, Ainsi au col un montagnard Voyant s’ouvrir une caverne, Le laboureur quand vient le soir S’en va rejoindre la taverne, Discrètement ils se faufilent A courbe patte, au bout d’un fil Sans moindre heurt, non plus grand bruit Comme un lutin dans son réduit, Cette concorde suffit pour Leur accorder droit de séjour.
Quand bien le géant, monstre odieux, Habitant bois et haut-chemins, Ou son castel énorme aux cieux Et dévorant les pèlerins Même ne serait qu’une fable, Serait-il affable ? Non point, Mais courtois, ou humain, du moins D’inviter ses hôtes à table, Ces gens qui franchirent son seuil ; C’en deviendrait recommandable Lorsqu’ils sont si peu qui en veuillent.
Dea, l’accueil manque à la gente, Qui, bien ingrate sous son cul D’écraser leur propre maison : Des feuilles, de l’herbe à foison, Et son trésor qui leur est dû, Elle retire aux malheureux La miette de couvert ou gîte Jusqu’à leur présence en ces lieux ! Cela dit, conservons à cœur De considérer la rigueur Qu’avec noble diplomatie Critique elle met à profit : D’abord la coutume voudrait Que ces visiteurs soient dits laids, Puis sans émettre doute aucun Qu’ils soient malgré eux très vilains ; « Soit, votre honneur, c’est un non-lieu : Ils sont proclamés parasites ! » N’est-ce pas là bien insidieux ?
Mais il existe créature Que la gente, géants bornés, Souvent destine au sort des pires : Force torture, aigre pâture, Ains en est-il des de nobles fées Que le folklore nomme vampires ! Mais à ce bien considérer En honnête et neutre équité De nos visiteurs bafoués, Elles portent nom d’arachnées : D’allure et posture parfaites, Dans un maintien de majesté, Elles pointent la silhouette Aussi bien leste qu’élancée A l’image du précieux don D’être si véloce et vivace Qui lui échoit tant pour la chasse Qu’à défier la gravitation, Courant la nuit sous les étoiles, Et tissant l’abri de sa toile… Mais quand la bise étreint le monde, Autant le grand que le petit, Quelques gambadeurs égarés Trouvent un refuge fortuit Rejoignant un recoin feutré, Ce à quoi nos géants répondent, Impulsivement primitifs, Brûlant d’un orgueil possessif, Que l’invasion est à leur porte : « Tu n’es pas maître en ma maison !» Et qu’au prix de telle intrusion, Tel Eole chassant sitôt Hors de son séjour sur les eaux Cil qu’il dit rebus des vivants Ils les rudoient de châtiments Par la torture, et le poison, Broyant par écartèlement, Les coups et la strangulation – Ou l’extermination, qu’importe ! - Infligés à des « clandestins »… N’étant pas plus grands qu’une main. Et moins redoutables encore
En effet, il est à noter Qu’une rengaine coutumière Existe en le dégoût du corps. Mépris qui pourtant ne prospère Qu’en la haine de l’être entier ! N’en résultant finalement Qu’une bien mauvaise intention Quand aucun n’aurait fait défaut Des plus cordiales relations ; Ainsi sont voisins – loin s’en faut ! Qui abattent leurs différents ; Non point ceux qu’ils sont l’un à l’autre Mais ce qui les pourrait scinder ; Ils disent « Rien n’est convoité, Alors mon toit sera le vôtre. » Mais les grands craignent les petits Comme l’éléphant la souris : Et l’imagination alerte S’attèle à absoudre son mal En fuyant l’objet du scandale, Ou en précipitant sa perte. Et souvent le démentira, Tournant la menace des sens En réflexe de pertinence Au détriment du plus petit, A qui reviennent diablerie Et sournoiserie de sang-froid !
Car la gente de gentes dames Avec ses nobles damoiseaux Agençant ce genre de drame S’en engendrent furies infâmes, Et sorcières, méchantes brus Ou en ogres bourrus et bruts, De faux et grotesques héros ! Rendre un microcosme martyr En deviendrait-il un plaisir ? Car congédier sens et raison Relègue à l’imagination Le droit, dans un creux de chausson, D’invoquer l’hydre, et le dragon ! Mais les gens font abus de foi De légende à vilain alois.
Cette grotesque tradition Qui cultive tant d’aversion Semble née d’assimilation Du fruit mûr des générations Qui virent les aïeux méfiants, Les pères à leur tour défiants, Ceux-là enseignant leurs enfants… Et ces derniers feront autant. Mais pourquoi donc donner leçon Qui n’a de justification ?
« Non point ! » contesteraient certains, Encore affectés du chagrin Que pût leur causer ces voisins D’un envenimant mauvais soin : Si que chacun jamais ne s’arde Dès qu’il naît à se perdre ou nuire, L’abeille, tant bien qu’elle darde Oncques ne s’apprête à mourir. Et les ébats inopportuns Des êtres condamnés retors Sont épanchements de l’instinct, Et fors l’éclipse, un seul ressort Face aux faux-pas, le mauvais-sang, Auxquels sont aveugles les grands, Mais pourtant non moins raisonnés : - Les petits n’y étant que sourds - Ils prendront l’instinct à rebours Et ainsi sauront s’en garder.
Ces deux recours sont, en effet, L’un et l’autre meilleurs bienfaits : Quand l’instinct enseigne aux petits De redouter les grandes gens, La raison confère à ceux-ci L’intérêt d’en être conscient, Et ensemble font séjourner Le microcosme et ses géants, La gente des hauts et d’en bas S’étant éveillé des erreurs Que tissent des mains inconnues Dans les esprits encore imbus D’accoutumance à la frayeur Et mépris de mauvaise foi.
Qu’ainsi soient libres de chemin Visiteurs de toute saison, Et insectes, et araignées Habitant de cave à grenier, En la maison, en compagnons ; Et les caprices des humains Qui couvaient haine et réticence, Verront tôt leur place cédée A l’entente et la connaissance.
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