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 Fragment du rêve 14 - A la source

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AuteurMessage
Aklatan
Capitaine des Plaines
Aklatan


Messages : 483
Date d'inscription : 04/07/2008
Age : 111
Localisation : Collines de Sous-Voûte-Chêne, la maison à côté de la cascade, où un gnome taille parfois des pierres.

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MessageSujet: Fragment du rêve 14 - A la source   Fragment du rêve 14 - A la source Icon_minitimeLun 30 Mai - 18:34

Je vis sur cette île depuis bien longtemps. Depuis bien longtemps j’habite cette cabane sur la colline, et j’arpente cette forêt paisible où chante l’oiseau d’océan, j’y reconnais chaque arbre, mousseux ou épineux, chaque pierre, caillou ou rocher, chaque chemin que j’ai tracé, les fougères de chaque bouquet d’herbe, les pétales de chaque fleur. J’y connais encore sa plage venteuse, et son rivage caché, la couleur de ses sables, et le remous des vagues, le lointain de la mer.
Et depuis bien longtemps je n’avais connu personne.
Pourtant hier j’ai vu quelqu’un fouler cette île ; marchant sur le rivage, en se tirant des flots. Il était plus trempé que la rosée ruisselant sur les palmes lisses, après une nuit de tempête, mais le vent qui soufflait sur l’île commençait déjà de le sécher. Depuis la forêt, je l’apercevais paisiblement faire ses premiers pas sur le sable : il n’avait plus rien sur lui, ses vêtements usés couvraient à peine sa peau, et il se trouvait déchaussé.
Levant la tête pour regarder autour de lui, il scrutait le refuge sauvage où les flots l’avaient laissé. Il mit la main à sa ceinture, et en détacha une bourse qui était demeurée à sa place, elle semblait pleine. Avant de s’en aller vers la forêt, il lâcha la bourse sur le sol, et de ce que je pu voir du visiteur de la mer, c’était la seule chose qu’il abandonna.
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Aklatan
Capitaine des Plaines
Aklatan


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MessageSujet: Re: Fragment du rêve 14 - A la source   Fragment du rêve 14 - A la source Icon_minitimeSam 4 Juin - 13:48

Cum vento mecum concinibamus (Quand le vent et moi chantions ensemble)

Je m’en étais descendu jusqu’aux champs,
L’âme claire et ma harpe sur le dos,
Entre un verger et le maïs en plants,
Soutenant encore un jeu de tarot,
Bateleur battant le chemin, au cœur
L’étoile d’ermite et la joie du fou,
De la lune le sentier, et la roue
De fortune dans le pas d’empereur.

Je m’assis céans en bout de lopin,
A l’orée de l’arbre, alors en éveil,
A l’heure où pleuvait et l’or du soleil
Et les flots de brise ici et au loin,
Au centre du monde, pendu debout,
Les membres croisés, ainsi je jouis
Du goût du baiser de l’air et du sol,
De là me voir étourdir la boussole,
Ce qu’elle me fit charmant mon ouïe,
Car n’eurent mes doigts effleuré les cordes
Que sentis grandir la douce concorde
De volutes qui, chauffant mon émoi,
Comme flûtes soufflèrent dans le bois.

C’était un orchestre, une symphonie,
Qui murmurait puis, comme le reflux
Des vagues en mer, évadée, se tut,
Puis de reparaître, un astre, un génie,
Qui tremble si fort dedans de sa sphère
Que l’écrin de verre brise sur l’onde
Et cette énergie ainsi se libère,
Sonne musique, s’appelle le monde.

Comme en un labyrinthe de cristal
Où voyagerait l’écho de ces chants
Se mouvant en des terres sidérales
Qui songent, respirent, vont méditant
Sur un souffle d’air, juste harmonie,
Comme une île au ciel, une feuille au vent,
Un navire qui le rivage suit,
Ou un mirage au désert s’élevant.

Et ces sons d’ailleurs, ces voix magiciennes
Allaient et venaient comme âmes errantes
Emplir l’univers, et combler la mienne,
La faisant rivière, hardie et riante,
Et devant mes yeux, jusque tout autour
Semblait avoir lieu depuis leurs sanctuaires
Le bal merveilleux où dansent la terre,
La ronde de vie et la joie du jour.

Et ainsi dans ces élans de passion,
Je me laissais porter au mouvement,
Au frisson du souffle d’élévation,
Chantant, l’invitant, lui me répondant.
Dans ces vagues douces, je me noyais,
Au fleurir des feuillages scintillants
De sons je me perdais, et avec ces
Myriades magiques, je conversais,
Et guidant mes doigts aux cordes, les vents
Se perlaient d’étincelles si précieuses
Qu’au fil de la danse, bien malicieuses
Furent-elles de leur légèreté
Métamorphoser en gouttes de l’air,
Germes d’autres vents, quand leur appel hume
Comme la saison qu’occulte la brume.

Voici donc la clé qui ouvrit en moi
L’espace hors du temps, et la danse douce
Qui emporta mes cordes et ma voix
Cum vento mecum concinibamus.
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