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 La paire de dés valsant - Second dé

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AuteurMessage
Aklatan
Capitaine des Plaines
Aklatan


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Date d'inscription : 04/07/2008
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Localisation : Collines de Sous-Voûte-Chêne, la maison à côté de la cascade, où un gnome taille parfois des pierres.

La paire de dés valsant - Second dé Empty
MessageSujet: La paire de dés valsant - Second dé   La paire de dés valsant - Second dé Icon_minitimeMar 26 Oct - 18:37

Des idées noires poursuivirent Pillupou jusqu’à l’aurore du jour suivant, une habitude inlassable après les quelques heures de sommeil qui devaient précéder le cor du trépas. Et il appelait bon train, c’en était une manie très désagréable. De toute façon, aucune armée ne possédait tel instrument, ils s’en remettaient au son accablant des canons.
Le jeune fantassin pensait regarder pour la dernière fois sa mine grisâtre, que les soins du rasoir ne dissimulaient pas comme il le voudrait. Mais ce teint s’éclaircit subitement comme l’aube frétillant à l’horizon, quand la nouvelle arriva enfin à ses oreilles : l’attaque était repoussée. Il s’agissait d’un remaniement fortuit de nature spatiale en terme de… Mais Pillupou n’avait pas grand-chose à peloter des histoires militaires ; aujourd’hui, il allait pouvoir rentrer chez lui !

Il se délecta d’une première chose rare qui était de prendre le chemin vers le champs de bataille à contre-sens, en prenant la route du village ; pendant ce court instant, il eut plaisir à se moquer de Vivardy qui, empruntant ce chemin de trop maintes fois, ne devait pas se réjouir autant que lui !

Il reconnut le clocher, les toits, les rues, les fenêtres, et enfin le pas de sa porte, qu’il foula avec triomphe en préparant son entrée, car si son épouse lui avait manqué, il n’en attendait pas moins d’elle. Finalement, rien ne vint contrarier cette supposition, puisque sa jeune compagne se trouvait bien dans sa maison, confortablement attablée, même fort agréablement : la place de son mari était occupée, sans moins d’aisance, par un bellâtre.
Parmi toutes les teintes jaunes, grisâtres ou pâles, récemment dorées de Pillupou, jamais son visage n’avait arboré un rouge si vif, sur le fond d’ombre, l’orage noir de son regard. Il n’avait pas même eu besoin de remarquer la main discrète de Vivardy se glisser sur la cuisse de son épouse gloussante pour laisser s’emballer les chimères de ses plus outrageantes appréhensions.
Les deux « jouvenceaux » ne montrèrent en réponse qu’un désarroi modéré.
Vivardy fut jeté dehors, livré aux foudres de son compagnon… C’était alors la première fois qu’il repartait à la guerre avant Pillupou. En fait il n’en était rien. Il repartit en même temps que Pillupou. Pour la première fois.

Bien que cela favorisait bien souvent les épopées intimes de Vivardy, il accueillait assez craintivement cet échange tendu :
« Espèce de lâche, palfou de fiacre ! Tu oses entrer chez moi, me prendre ma femme !
- Elle m’a invité, ne vas rien imaginer, je ne l’ai pas touchée ! Seulement la jambe, je manquais d’appui…
- Tu passeras devant pour l’offensive, et je raterai mon tir pour te trouer le cul !
- Tu sais très bien que je le fais mieux que toi ! Et puis crois-moi, jamais je ne me serais permis de toucher à ta femme !
- Quel démenti obscène ! Tu es sûrement rentré chez moi bien souvent, tout ce temps où je restais à me geler la nuit en pensant à celle que je laissais seule ! Je ne vois pas pourquoi tu t’épargnerais ce pari-là ! Culbuter l’épouse d’un camarade !
- Parce que je ne partage pas le même terrain de jeu qu’un puceau. « Pillupou redoubla de rage.
« Le puceau va t’arracher le fusil et te le faire avaler avant que tu ne parie quoi que ce soit qui ferait ressusciter ta charogne…
- Tu peux me prendre le fusil des mains et faire mon casse-pipe, parce que je peux te jurer sur ma vie que je n’ai jamais profité de ta femme. »

La bataille s’annonçait en tonnant sauvagement à l’horizon, faisant de l’aurore un magma impétueux et infernal. C’était le lendemain.
Et alors que Pillupou faisait ruisseler l’eau claire sur un visage plus livide encore, que minait l’amertume, il constata une chose qu’il n’avait jamais pu observer alors, surtout en telle circonstance : Vivardy se lavait. On eut cru à un dieu souriant à son reflet s’il n’avait son rasoir à la main. Le massacre s’engagea plus tôt qu’une conversation malvenue ; les deux guerriers bondirent une nouvelle fois sur le champ, et se séparèrent. Cette fois, ce fut pour de bon.

C’était un jour où Pillupou ne devait voir de façon définitive que ce qu’il y avait de plus rare à ses yeux. Car au crépuscule, quand l’arc flamboyant était doucement englouti sur la courbe du lointain comme le sang dans la terre, il vit ramener le corps de Vivardy, sereinement allongé, un trou dans le cœur, les mains sur l’entre-jambes.
Il allait être enterré au village, comme de nombreux guerriers tombés…
Un jour de grande mélancolie. Elle toucha même Pillupou, qui profita du calme de la soirée pour retourner au village. Car finalement, sans doute y prenait-il goût, bien qu’il ne s’y était adonné que peu souvent ; peut-être était-ce l’occasion de revenir plus souvent sur ses traces, sur le chemin du répit, peut-être était-il après tout seulement livré au démon amer des combats qui désempare quiconque souffre la guerre, peut-être Vivardy était un ami disparu, peut-être sa chère épouse demeurait aussi chaste que l’était une femme qui espère le retour de son aimé, peut-être en effet, au-delà de la route…

On venait reconnaître les corps des combattants, au village, et l’ambiance solennelle où retentissent douleur et désespoir était ébranlée par une effervescence enjouée, et localisée indépendamment du reste des dépouilles.
Vivardy rassemblait beaucoup d’admiratrices, et toutes semblaient prôner le culte du gloussement plutôt que celui des pleurs… D’autant que la troupe féminine ne s’était pas groupée autour de Vivardy mais bien au -dessus, sur ce corps au visage ensorceleur et lumineux, qu’un coup de rasoir avait aussitôt fait jeter les dés du pari gagnant, de la roue de la fortune. Et quelle roue effrénée ! Chacune à son tour, dans un déchaînement incontrôlable, les femmes donnaient raison au sourire intouchable de Vivardy, lui offrant les plus belles grâces qu’un cadavre put espérer en visitant une orgie ; parmi elles, tant de courtisanes, tant d’épouses, parmi elles, et en première ligne, celle de Pillupou.

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